samedi, avril 12, 2008

Aube

A l'aube je suis descendu au fond des machines

J'ai écouté pour une dernière fois la respiration profonde des pistons

Appuyé à la fragile main-courante de nickel j'ai senti pour la dernière fois cette sourde vibration des arbres de couche pénétrer en moi avec le relent des huiles surchauffées et la tiédeur de la vapeur

Nous avons encore bu un verre le chef mécanicien cet homme tranquille et triste qui a un si beau sourire d'enfant et qui ne cause jamais et moi

Comme je sortais de chez lui le soleil sortait tout naturellement de la mer et chauffait déjà dur

Le ciel mauve n'avait pas un nuage

Et comme nous pointions sur Santos notre sillage décrivait un grand arc-de-cercle miroitant sur la mer immobile

Blaise Cendrars - Feuilles de route